le hérisson

Un documentaire sur un jardin, sur celui qui s’occupe du jardin, sur ceux qui s’occupent du jardinier… Et sur cette corrélation espace-temps où la définition d’un territoire permet de mesurer un temps qui passe et semble suspendu. Dans ce jardin, les fruits murissent et pourrissent, la vieillesse fait son œuvre, les générations s’y bousculent, et tout parait immuable.

Dans les années 50, le grand-père maternel de Yann les Jours s’est installé à la Verpillière, près de Lyon. Lui, ses 6 frères et leurs épouses ont bâti leurs maisons sur un unique terrain appartenant à l’arrière-grand-père de Yann les Jours.
Les parents de Yann les Jours ainsi que ses oncles et tantes ont aussi construit leurs maisons sur ce même terrain. Certains de ses cousins et sa sœur aînée s’y sont également installés avec leurs enfants, ou songent le faire. Quatre générations coexistent sur ce petit territoire à 20km au sud de Lyon, dans une zone jadis rurale, aujourd’hui dite péri-urbaine.
La seule zone non-construite de cette grande parcelle familiale est celle du jardin de Maurice les Jours, le grand-père de Yann. Yann a grandi près de ce jardin, entouré de ses aïeux, de ses cousins et des animaux. Depuis des décennies, ce jardin nourrit toute la famille. Yann, parti il y a plus de vingt ans, revient régulièrement, par exemple pour ses anniversaires, lorsque les framboises sont mûres. 

Rien ne change dans ce jardin : à 91 ans, Maurice est retraité depuis longtemps mais il continue à s’occuper, seul, quotidiennement, des fruits et légumes qui y poussent, du poulailler. Yann, à 41 ans, continue de manger les framboises à même le framboisier. Ici, les naissances se succèdent tandis que personne ne meurt. Ou presque.
Depuis sa naissance au début des années 80, Yann les Jours n’a assisté qu’une seule fois à des funérailles, celles de son père Marc. Marc était photographe, « le photographe de la famille ». Toujours derrière la caméra, aucune image ne reste de lui. Seul subsiste un enregistrement audio tiré d’une vidéo faite par le grand-père, d’une séance de portraits de famille, un lundi de Pâques, où on l’entend tenter, à grand peine, d’attirer l’attention de ses enfants et neveux. En dépit d’un fâcheux accident cardio vasculaire qui lui fut fatal en 2008, sa voix donnant des indications à ses jeunes modèles indisciplinés se fait toujours entendre la nuit. Aujourd’hui c’est son fils, Yann les Jours, qui est derrière la caméra, et qui peine toujours autant à attirer l’attention de ses proches lors de séances de portraits aussi joyeuses qu’interminables.

C’est le mois de juin, les vagues de chaleur bercent déjà les récoltes à venir, on ne sort que tôt le matin ou on attend la fin d’après-midi, que le soleil se fasse rasant.
Maurice retourne la terre, cueille quelques légumes, dont il donnera une partie à ses poules, au lapin... Christian, qui pourrait être son fils, observe le temps qui s’accélère sous la serre que Maurice lui a laissé le droit de construire. Arnaud, qui pourrait être son petit-fils, vient se vanter du succès de ses propres récoltes. Yolande, son épouse depuis 70 ans, s’occupe des fleurs et de la salade. Anna, son arrière-petite fille, traverse le jardin à toute allure. Le coq, le chien, un hérisson observent ce ballet rugueux et rigoureux.